L’ÉLYSÉE MONTMARTRE : 2 SIÈCLES D’EXISTENCE

Raconter l’histoire de l’Elysée Montmartre, c’est plonger au cœur de l’histoire des divertissements parisiens , marquée par la passion de la danse, le goût des travestissements et la gouaille bohème. Car l’Elysée Montmartre a tout vu, tout traversé, sachant à chaque fois renaître, s’adapter, voire lancer de nouvelles modes, comme lorsqu’en 1882 une certaine Goulue et son compère Valentin le Désossé y inventent le French Cancan, qui fera la gloire mondiale de Montmartre.

 

1807 : UN BAL CAMPAGNARD OUVRE SES PORTES

L’Elysée Montmartre est un bal champêtre qui accueille le public au pied de la Butte du même nom. Situé en dehors du mur des Fermiers Généraux qui encerclait Paris et l’Elysée Montmartre est un vaste jardin des délices bordé de fontaines. Son nom emprunté au latin Elysium (le paradis, « où séjournent les héros de l’antiquité après leur mort »), n’est pas choisi par hasard, il désigne un lieu agréable, où il fait bon vivre.

1815 : CONTREDANSE ET QUADRILLE :

On vient au bal pour draguer et s’amuser, mais aussi pour danser ! Les danses sont principalement collectives, issues de la contredanse. Puis on la simplifie, en couples disposés en carré et selon les figures, à deux, quatre ou huit : le quadrille est né ! Cette danse venue de « la haute » est très vite adapté à l’Elysée Montmartre : certains la réalisent de manière irrévérencieuse, se moquant des pas savant des aristocrates.

1840 : LES BALS D’HIVER ET LA POLKA

Arrivée des pays de l’Est, la polka arrive à Paris et à l’Elysée Montmartre : danse en couple très simple, joyeuse, enlevée et facile à danser.
Les bals d’hiver supplantent les bals d’été. Le bal de l’Elysée Montmartre, grâce à l’afflux démographique, est devenu l’un des plus importants de la capitale ! Pour rivaliser avec les plus grands bals de Paris intramuros, les propriétaires prévoient la construction d’une salle de bal couverte.

1858

BAL D’HIVER

Une partie du jardin est sacrifiée pour édifier une immense salle de 1000 m2, sans aucune colonne, avec deux étages de galeries et promenoirs : l’orchestre prend place sur un rocher artificiel agrémenté de cascades et de plantations rendant l’ensemble très féérique. Une fête est organisée pour la réouverture, le 28 février 1858 : on y pénètre, du boulevard Rochechouart, par un escalier monumental, sous une vaste marquise de verre.

« Le cancan est l’art de soulever sa jupe, le chahut l’art de lever la jambe » !

1852 : GRAND RETOUR DU QUADRILLE ET DU CANCAN

Après la révolution de 1848, un certain puritanisme signe le retour de la contredanse et la résurrection du quadrille. Mais très vite, sous le Second Empire, le chahut-cancan reprend le dessus. Les bals retrouvent leur gaieté et l’Elysée Montmartre n’est pas en reste : en 1859 on y danse « la tulipe orageuse », une figure du quadrille dans laquelle la danseuse relève ses jupes à hauteur de la tête en tournant sur elle-même.

1864 : LES ACROBATIES DE RIGOLBOCHE

Rigolboche est une danseuse française qui fait la gloire du cancan, en inventant de nouveaux pas : elle est la première à lancer ses jambes vers le ciel en retroussant ses jupes. Le chahut se féminise pour devenir le cancan avec ses sauts, grands écarts, cabrioles et déhanchements. Face à ces déferlements acrobatiques, le directeur du bal oblige les danseuses de cancans à porter des dessous…

1870
Louise Michel
LE GUERRE ET LA COMMUNE : LE BAL CONVERTI EN HOPITAL, ATELIER ET CLUB ROUGE

Avec la guerre qui éclate contre la Prusse, la vie nocturne parisienne se poursuit mais chaque soir les danses sont interrompues par des chants patriotiques. On déchante vite avec la défaite française et l’Elysée Montmartre devient alors un hôpital de guerre.

Félix Tournachon, dit Nadar, passionné d’aéronautique, réquisitionne l’Elysée Montmartre pour fabriquer des ballons-poste destinés à maintenir la communication avec l’extérieur de Paris.

Les clubs rouges, où fermentent les idées de la Commune, sont nombreux : dans celui de l’Elysée Montmartre siège la célèbre Louise Michel.

 

1871 : DU BAL DES SOUTENEURS A CELUI DES CANCANEURS

Une fois la paix revenue, l’Elysée Montmartre rouvre ses portes le 1er juillet 1871. On ne danse pas encore, ce serait indécent. Le beau monde est parti, les bals du boulevard sont devenus canailles. Même si l’Elysée Montmartre tient un peu mieux son rang que ses voisins, on y croise nombre de filles et de souteneurs.

1879 : 100ème REPRESENATION DE L’ASSOMOIR

Par chance, l’établissement ne devient pas un bastringue de basse catégorie : deux ans après sa parution, le roman d’Emile Zola est adapté au théâtre. A l’occasion de la 100ème représentation, Emile Zola donne une grande fête à l’Elysée Montmartre.

1882

LA GOULUE ET TOULOUSE-LAUTREC

Sur le parquet de l’Elysée Montmartre, une danseuse délicieusement sensuelle vient de réinventer le cancan.

Elle s’appelle Louise Weber et elle a seize ans. On la surnomme la Goulue, car elle a pour habitude de finir goulûment les consommations des clients.

Accompagnée de Grille d’Egout, de Valentin le Désossé, elle improvise un quadrille coquin dont les figures sont composées de cancans échevelés.
La Goulue va rencontrer ici Toulouse-Lautrec qui va y croquer ses premiers tableaux de danseuses et demi-mondaines.


A l’Elysee Montmartre, 1888 – Henri De Toulouse Lautrec
1894

CAFE CONCERT, STRUCTURE EIFFEL ET 1er INCENDIE

Le café-concert s’implante définitivement à l’Elysée Montmartre. A cet effet, on réduit le jardin, pour construire un nouvel espace : le Trianon-Concert. En 1899, l’architecte Edouard Niemans, élève de Charles Garnier, réutilise la structure du Pavillon de France de l’Exposition Universelle de 1889, dont l’architecte n’est autre que Gustave Eiffel.

Malheureusement, dans la nuit du 17 au 18 février 1900, un incendie se déclare dans la salle de spectacle, qui s’effondre dans un fracas énorme et le feu gagne le jardin d’hiver, puis la salle.

1902 : L’ELYSEE MONTMARTRE ET LE TRIANON, PUIS L’ENTRE DEUX GUERRES

Notre vieux bal n’a pas dit son dernier mot ! Deux salles distinctes sont reconstruites et aménagées : l’une pour les concerts, le Trianon, l’autre pour les bals et le patinage, l’Elysée Montmartre. La salle renoue rapidement avec les bals populaires à l’entre-deux guerre. On y danse tous les jours et le public est celui du quartier.

1949

A cette période, l’Elysée a marqué les esprits, non pas grâce à ses talents artistiques. A moins de considérer la boxe comme un art !

Ce sont des combats qui vont faire la renommée de l’Elysée Montmartre à partir de 1949 et jusqu’aux années 70 : combats de boxe et de catch, retransmis à la télévision et commentés par Roger Couderc. Une foule en liesse applaudit de mémorables rencontres opposant des figures internationalement célèbres. On peut y voir l’Ange Blanc, le Bourreau de Béthune, Ben Chémoul ou encore Chéri Bibi combattre. Conséquence de cette nouvelle spécialisation, la scène restera au centre de la salle jusque dans les années 80.

A la fin des années soixante, de nouveaux talents sont repérés, comme Polnareff qui présente son spectacle musical « Rabelais » monté par Jean-Louis Barrault en 1968, dans des conditions étonnantes puisque les artistes jouent sur le ring de l’Elysée : c’est le grand retour de la musique sur les planches de l’Elysée Montmartre.

 

david bowie elysee montmartre
1970

David Bowie, Bjork, Daft Punk… se sont produits en concerts à leurs débuts, imposant tous un style musical unique. Coluche y a fait ses premiers sketchs.

Depuis le passage de Coluche, l’Elysée Montmartre est d’abord une salle de concert. Sous la direction de Gérard Michel et Salomon Hazot, les plus grands groupes viennent se produire, tous styles musicaux confondus. Un nombre important d’artistes et groupes de musique actuelle y débutent ou s’y produisent.

Les années 90 et 2000 en font une salle de concert incontournable, faisant honneur aux stars de la musique française et internationale : David Bowie, Daft Punk, Les Béruriers Noirs, Alain Souchon, Jacques Higelin, -M-, Cindy Lauper, Alain Bashung…

En 1988, l’endroit est classé monument historique pour sa structure Eiffel et son haut relief du Bal Mabille. Un an plus tard, Garance Productions prend en main l’Elysée, dirigée par Salomon Hazot et Gérard Michel. Elle programme des concerts de qualité, alternant Rock et Reggae, la salle est à nouveau à son apogée, les Bals sont organisés tous les quinze jours. Un groupe de dix musiciens et chanteurs qui a pour vocation de faire renaître les musiques incontournables de la chanson française.

L’Elysée Montmartre revendique une forte identité artistique depuis deux siècles et possède un don pour dénicher les talents neufs. Malgré les évènements historiques et personnels (guerres, incendies …), elle reste une salle parisienne mythique.

Depuis 2016

L’incendie du 22 mars 2011 survenu dans la nuit n’a pas fait de victimes, mais des dégâts matériels importants.

La structure métallique Eiffel est déformée, le toit détruit, la scène et le bar en ruine, mais, au sommet de la façade, le bas-relief à la danseuse est intact. La mythique salle de l’Elysée Montmartre vient de disparaître, et avec elle plus de deux siècles de bals, de fêtes, de concerts inoubliables… Il reste inoccupé durant 3 ans, puis à l’automne 2014, les propriétaires du Trianon voisin annoncent le rachat de l’Elysée Montmartre.

Pour reconstruire le lieu et l’améliorer dans le respect de son histoire, l’équipe de rénovation s’est penchée sur son passé. La rénovation s’inspire de l’architecture initiale du XIXème siècle qui a pu être préservée. L’intérieur, comme la façade, sont restaurés en collaboration avec les Bâtiments de France. Cette restauration est également l’occasion de moderniser les installations scéniques, la technique générale du lieu, la sécurité et son accessibilité, pour répondre aux exigences contemporaines.

Après 2 ans de travaux, la salle rouvre au public en septembre 2016, l’occasion de présenter une scène modernisée et sécurisée, mais aussi une architecture ancienne qui sera conservée autant que possible. Cette restauration donne la possibilité aux artistes en vogue ainsi qu’aux jeunes talents de s’exprimer en toute liberté.

Les grands concerts

1968
Michel Polnareff
1975
Alain Souchon
1990
Red Hot Chili Peppers
1991
The Cramps
1992
The Ramones
1993
Iron Maiden
1994
Björk
1997
Daft Punk
1999
David Bowie
2000
Beastie Boys
2002
The White stripes
2007
Arctic Monkeys
2008
Wu Tang Clan
2009
Katy Perry
2009
Snoop Dogg
2018
Pink
2008
Alain Bashung
2016
-M-